Notre départ de Saint Romain en Gal à 9H00 permit à chacun de pouvoir accomplir son devoir d’électeur s’il le souhaitait. Nous gagnons Sarras qui fait face à Saint Vallier, quarante kilomètres au sud de Vienne. Le ciel hésite entre soleil et nuages, mais ceux-ci sont vite chassés par un vent soutenu. Ce vent frais nous encourage à garder quelques lainages qui deviennent aussitôt inconfortables dès que nous sommes à l’abri des rafales.
Nous commençons par quelques centaines de mètres de goudron pour sortir du village avant de nous enfoncer dans un environnement plus champêtre. Cette mise en route permet à beaucoup de faire connaissance avec Tarek, nouveau venu dans notre groupe. Il faut donc que nous nous appliquions car nous n’avons pas le droit de le décevoir.
Bientôt, nous avons rejoint l’Ay, petit cours d’eau qui a choisi la commune de Sarras pour venir s’y noyer dans le Rhône. Au passage, un majestueux héron semble garder l’amont de la rivière que nous suivons pendant quelques instants. Puis, l’ascension commence : le sentier pentu n’est pas trop mauvais malgré le dénivelé. Très rapidement, nous nous élevons au-dessus du village de Sarras. Après de longues minutes d’efforts recoupés par différents paliers, nous arrivons aux premières vignes. Nous allons en côtoyer jusqu’en haut du coteau. Nous sommes en plein pays du Saint Joseph, ce vin de la vallée du Rhône septentrionale que plusieurs d’entre nous auraient eu plaisir à déguster aujourd’hui.
La peine éprouvée dans la montée n’a pas fait disparaître la bonne humeur et nos vociférations dérangent un joli lièvre qui s’était assoupi à l’ombre d’un bosquet de genêts en fleurs. La marche sur le plateau sollicite moins nos organismes mais nous sommes maintenant exposés en plein vent. Heureusement, une combe nous invite bientôt à bifurquer sur son flanc pour retrouver un peu plus d’abris. Là, surplombant la route qui joint Sarras à Saint Romain d’Ay, la tour d’Oriol nous regarde passer tandis qu’elle surveille le ruban d’asphalte qui serpente plusieurs dizaines de mètres en contrebas. Cette tour n’est plus aujourd’hui qu’un impressionnant pan de mur qui s’élève menaçant au dessus de la route.
Des estomacs réclament la pause de midi : nous pique-niquons à proximité du château de Pestrain. Cette grosse maison bourgeoise va nous protéger contre le vent pour que nous puissions profiter de notre repas, du soleil et de cette nature printanière si engageante. Là, nous lions connaissance avec deux superbes chevaux : ils regardent avec un plaisir non dissimulé ce groupe de joyeux vauriens qui parlent fort et s’assoient par terre pour manger.
Châtaigne, Apple et Iris, nos compagnons à quatre pattes d’aujourd’hui, apprécient également cette pause qui leur permet de glaner auprès de chacun quelques gâteries. Nous sommes bien, nous nous prélassons, nous prenons notre temps…
La marche a repris. Sans demander notre accord, le vent se joint à nous. Nous ne parvenons pas à le semer. Mais soudain, profitant d’un moment où il est moins attentif à nous, nous bifurquons vers une combe pour lui fausser compagnie. Nous nous enfonçons dans la nature en descendant la côte du chat jusqu’à rejoindre les bords de l’Ay. Nous sommes un peu en dessous du village d’Ardoix que nous laisserons sur notre droite. Après avoir compté la présence de plusieurs belles truites dans le petit canal d’amenée d’eau d’une propriété, nous parvenons après une petite grimpette au hameau de Fourany garni de plusieurs belles maisons en pierres. A côté des demeures restaurées, un imposant bâtiment très carré semble à l’abandon. Une charmante dame que nous interrogeons nous fournit aimablement des renseignements sur cette construction, le tout dans un bel accent d’Ardèche : aux dernières nouvelles, il semblerait qu’une communauté…
Nous traversons une nouvelle combe avant de remonter sur le plateau. Là, les vignes ont cédé la place aux arbres fruitiers et aux serres dans lesquelles se dissimulent fraisiers et framboisiers. Les vignobles ne réapparaîtront que quelques kilomètres plus loin lorsque nous nous serons rapprochés du versant rhodanien. A l’extrémité d’une longue piste empierrée, nous débouchons sur la route du Saint Joseph qui sillonne à travers les rangées de ceps. Par endroits, nous distinguons les méfaits du gel de ces derniers jours sur les pousses naissantes de la vigne. Nous côtoyons le domaine viticole de Champal avant de nous enfoncer dans un agréable sous-bois. Dans la descente, le sentier sans être réellement dangereux, réclame toutefois une attention soutenue. Bientôt, nous parvenons au bas de la propriété Biennier que nous remonterons en logeant des cactus, des mimosas (malheureusement, ils ne sont plus en fleurs) et des iris jusqu’à retrouver le plateau où les vignobles se gorgent de soleil. La vue sur la vallée du Rhône mérite quelques photos. A l’horizon, un rideau de brume nous masque les montagnes des Alpes et du Vercors ; aucun regret, cela est signe de beau temps, enfin, il paraît. A nos pieds, le paisible village de Sarras semble s’affronter par le pont lancé sur le Rhône à un tournoi de joute avec sa voisine Saint Vallier située juste en face de l’autre côté du fleuve majestueux.
Nos deux derniers kilomètres nous font traverser ces versants rhodaniens chargés de vignobles et écrasés de soleil.
La randonnée prend fin autour d’une modeste collation que nous savourons à l’ombre et à l’abri du vent. Tout c’est bien passé et Tarek semble satisfait de cette première expérience. Nous avons parcouru un peu moins de seize kilomètres avec un dénivelé positif d’environ cinq cent cinquante mètres. Ce n’est pas un exploit. Non, c’est mieux que ça : c’est un moment privilégié de bonne humeur et de convivialité qui a été partagé par vingt-trois randonneuses et randonneurs. Quant à nos trois compagnons à quatre pattes, si, arrivés au terme, ils sont bien fourbus, ils s’avouent d’ores et déjà volontaires pour les prochaines randonnées.
CR : Alain et Marie-Hélène